lundi 13 avril 2009

LE POINT : EXPOSITION - Le tag en quête de légitimité

EXPOSITION - Le tag en quête de légitimité

Par Charlotte Pons

"La première fois on me coupera la main, la deuxième c’est la peine de mort" (le tagueur Iranien ISBA) © DR

Ceux qui espéraient voir souffler un vent subversif sur le Grand Palais en seront pour leurs frais. L’ambition de l’exposition T.A.G n’est pas là, plutôt aux antipodes. "J’ai fait une promesse aux graffeurs : mettre leurs oeuvres à l’abri du temps et les faire reconnaître par les institutions comme étant des artistes", explique Alain-Dominique Gallizia, architecte et fondu d’art à l’origine de l’exposition. Reconnaître par les institutions, donc. Tâche ardue qui passe par un formatage en règle : support, format et thème imposés (une double toile horizontale de 60 x 180 cm qui parle d’amour), espace-temps maîtrisé. Venus du monde entier, les 150 graffeurs réunis par Gallizia devaient s’astreindre à tagger dans l’atelier mis à disposition à Boulogne-Billancourt, dans un laps de temps de trois jours. Voilà comment le graffiti passe de la place Beauvau au ministère de la Culture, du délit à une exposition placée sous le haut patronage de Christine Albanel.

De la rue à la demeure de Madonna

Passons sur la question de l’esthétisme, débat sans fin selon la sensibilité du public et qui peut vite tourner café du commerce. Disons simplement que certaines toiles toucheront au cœur, quand d’autres laisseront totalement indifférent, voire alimenteront les arguments des détracteurs. Passons encore sur la question du vandalisme. Le tag est puni par la loi, on le sait. Et les arguments de l’architecte - " la rue est triste", "le tag est proportionnel à la surface d’espace non géré par la ville et l’État est de moins en moins présent dans ce qu’il possède" - ne devraient pas convaincre les pouvoirs publics. Passons, car le débat n’est pas là. Il n’est même pas dans la soif de reconnaissance dont seraient avides les tagueurs, si l’on en croit Dominique Gallizia. Las ! Il s’agit pour beaucoup de quinquagénaires évoluant dans des milieux dits branchés. Celui-ci customise les guitares d’Eric Clapton, celui-là habille les murs de la maison de Madonna, l’autre théâtralise les boutiques Nike ou Reebok... Certes, on nous l’assure : certains sont sous le coup d’une procédure judiciaire. Ouf, voilà qui devrait conforter les bien-pensants dans leurs opinions. Mais beaucoup voient leurs oeuvres se négocier à six chiffres en salles des ventes. Loin des scribouillards qui taguent comme on laisse une trace dans un bar un soir d’ivresse. Mais loin aussi d’une certaine culture hip-hop qui, sans chercher à faire passer un message politique, n’imagine pas le graff ailleurs que dans la rue.

Quid de la transgression ?

Le débat serait donc : est-ce le support et l’espace-temps qui font le tag ? En ce sens, en investissant les murs immaculés de la vénérable institution, le tag se dénaturerait. Des arguments que Gallizia balaie d’un revers de la main. Après tout, aucun ouvrage ou presque ne théorise cet art, tout est donc permis. Oui mais : quid de la fulgurance ? De l’éphémère ? De la transgression ? Autant de choses qui dans l’imaginaire collectif sont intrinsèques au tag. Quid "des bombes avec lesquelles [exercer] dans l’ombre, stimulé par la pénombre" comme le chantaient Kool Shen et Joey Starr dans Paris sous les bombes . C’est une épopée graffiti d’une autre envergure que nous contait NTM en référence au Paris des années 1980, envahi par la couleur. Peut-être parce qu’elle avait le goût du défi. "Il y a un défi mais il n’est pas dans la transgression. C’est un défi artistique", explique Alain-Dominique Gallizia. À l’écouter raconter ces trois années écoulées, où les graffeurs se sont livrés à des joutes picturales dans son atelier, force est d’admettre que l’énergie est bien là. Qu’il n’est pas besoin de la rue. Le défi devient alors celui de raconter une histoire du tag, non pas l’histoire. Et il n’est pas certain que cette histoire-ci ait une influence sur celle, plus sociétale qu’artistique, qui se joue aux alentours des gares et dans les tribunaux de France.

Le T.A.G au Grand Palais, du 27 mars au 26 avril.
Plein tarif : 5 euros.
Tarif réduit : 3 euros

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